Le déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février dernier a constitué un véritable "choc", y compris de ce côté-ci de l’Europe. Même si le sujet est moins omniprésent dans les médias qu’il ne l’était au début du conflit, il n’en reste pas moins extrêmement préoccupant et une source d’anxiété pour bon nombre de personnes, a fortiori après deux années de crise sanitaires éprouvantes. Ainsi que l’affirme Patrick Clervoy, spécialiste de l’anxiété et des traumatismes de guerre, "en lançant cette opération militaire en Ukraine, Vladimir Poutine nous enlève ce rêve de détente et de loisirs que l’on attendait tous après la pandémie, ainsi que l’espoir de retrouver un espace international apaisé dans lequel tout le monde peut circuler à sa guise".
Les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur les risques liés au fait d'être exposé à une information particulièrement anxiogène qui avaient été faites au moment du déclenchement de la crise sanitaire valent tout autant pour la guerre en Ukraine: "Limitez le visionnage, la lecture ou l’écoute d’informations à propos du COVID-19 qui suscitent de l’anxiété ou de l’angoisse ; consultez uniquement des sources d'information fiables et principalement afin de pouvoir prendre des mesures pratiques pour vous préparer et vous protéger, ainsi que vos proches. Recherchez des informations actualisées à des moments précis de la journée, une ou deux fois par jour. Un flux brusque et ininterrompu d'informations sur une épidémie peut faire naître de l’anxiété ou de l’angoisse. Recherchez les faits ; pas des rumeurs et des fausses informations. Informez-vous à intervalles réguliers, sur le site Web de l’OMS et les plateformes d’information des autorités de santé de votre pays pour vous aider à distinguer les faits des rumeurs. La connaissance des faits peut aider à réduire les peurs".
Mais l'OMS va plus loin en incitant aussi la population à consulter des informations "positives" : "Identifiez les occasions de partager et de valoriser les récits positifs et porteurs d’espoir et les images positives de personnes qui ont été touchées par le COVID-19 autour de vous. Par exemple, les histoires de personnes qui sont guéries ou qui ont soutenu un proche et souhaitent partager leur expérience".
Une étude publiée en octobre 2021 dans la revue PLoS ONE (Buchanan K, Aknin LB, Lotun S, Sandstrom GM (2021) Brief exposure to social media during the COVID-19 pandemic: Doom-scrolling has negative emotional consequences, but kindness-scrolling does not. PLoS ONE 16(10): e0257728) avait d’ailleurs bien montré que faire défiler les informations catastrophistes sur un écran (doom-scrolling) avait un impact émotionnel négatif, ce qui n’est pas le cas d’une consultation d’informations positives. L’exposition à des informations négatives a un impact émotionnel, y compris une simple exposition à deux minutes d’informations négatives relatives à la Covid-19. En revanche, l’exposition à des actes de bonté liés à la Covid-19 ne produit pas les mêmes effets négatifs et pourrait même avoir des effets positifs. Les auteurs de l’étude en concluent qu’"Une stratégie à laquelle les individus pourraient recourir serait d'essayer de contrebalancer le négatif en l'équilibrant avec des informations positives".
Au-delà de la crise sanitaire, un article publié en mars dernier dans Slate indique que le doomscrolling "peut favoriser des sentiments d’anxiété et de dépression" d’autant que "quand on scrolle sur nos réseaux sociaux et applications d’informations, les bonnes nouvelles semblent quasi inexistantes". Résultat, "on s’enferme […] dans l’idée que tout est négatif". Cela peut même quelquefois entraîner des troubles cognitifs (comme des problèmes d’attention ou de mémoire). Cela signifie donc qu’"il faudrait mieux contrôler le doomscroll", notamment si on est une personne anxieuse.
Un article de Positive News fournit à ce propos quelques conseils intéressants pour tenter de mieux gérer son rapport aux informations négatives :
- (1) Consulter les réseaux sociaux et les médias d’information avec modération pendant les périodes de crise
- (2) Tenter de trouver un équilibre entre informations négatives et informations positives
- (3) Agir de façon positive (par exemple en participant à une collecte de dons en ce qui concerne le conflit en Ukraine)
- (4) Respirer profondément et oxygéner son cerveau
- (5) Parler à ses amis et à sa famille, et même à un professionnel, le cas échéant.
Tout ceci ne doit bien sûr en aucun cas signifier qu'il faut à tout prix se couper de toute information relative à la guerre en Ukraine ou à un autre événement anxiogène. Un autre article de Slate nous rappelle, en effet, qu’"en période de crise et de danger, la posture réflexe est le repli sur soi. Pourtant, s’il est tentant de faire l’autruche et de couper tous les canaux d’information pour protéger sa santé mentale, cela peut entraîner l’inverse de l’effet escompté". Mais comme le dit bien cet autre article de Positive News, on doit "en même temps que comprendre les problèmes qui existent et les tragédies qui sont en train de se dérouler, découvrir ce qui va bien aussi dans le monde".
Ce texte est la version longue d’un article publié le 1er avril 2022 dans Flint Media

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