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Ne désespérer de rien grâce à 20 personnalités inspirantes



L’hebdomadaire Le Point a publié un numéro exceptionnel à l’occasion de son 50e anniversaire en demandant à plus de cinquante personnalités éminentes – lauréats de prix Nobel, scientifiques, dirigeants politiques, chefs d’entreprise, intellectuels, militants des droits de l’homme, écrivains, artistes ou sportifs – de réagir à une phrase de l’éditorial de Claude Imbert paru dans le premier numéro, le 25 septembre 1972 : "Une équipe de pensée qui a choisi de ne désespérer de rien".


Dans cette période particulièrement difficile où l’on peut être quelquefois tenté par le désespoir, ces différents témoignages constituent de véritables leçons de vie et peuvent servir de sources d’inspiration.


Comment ces personnalités font-elles ou ont-elles fait pour tenir le coup face à l’adversité et pour ne pas désespérer ? En quoi peut-on s’inspirer de leur expérience et de leur vision du monde ?



Vouer sa vie à une grande cause


La première source d’inspiration émane à coups sûr de personnalités qui ont connu elles-mêmes ou qui ont vu l’enfer dans des pays en guerre et/ou dans des pays dictatoriaux. Leur force provient principalement du fait qu’elles ont décidé ou bien ont été conduites à consacrer leur existence à la défense d’une cause spécifique.


Nadia Murad en est sans doute l’un des meilleurs exemples. Elle appartient à la communauté yézidie qui a été victime des exactions de Daech en Irak à partir de 2014. Elle a perdu sa mère, six de ses frères et deux nièces, et elle a été elle-même prisonnière et réduite en esclavage. Elle a réussi à échapper à ses geôliers et à fuir le pays. Depuis, elle est devenue la porte-parole des Yézidis et tout particulièrement des femmes yézidies. A ce titre, elle a été lauréate du prix Nobel de la paix en 2018 pour ses efforts visant à "mettre fin à l’utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre".


A la question du Point "où trouvez-vous le courage de continuer à vous battre ?", Nadia Murad a ainsi répondu que "Le courage me vient de ce qui est arrivé à ma communauté. Je fais ce travail chaque jour pour ne pas penser à ce qui m’est arrivé et pour ne pas que ça se reproduise, nulle part ailleurs. J’espère que mon histoire aidera. Mais il y a tellement de femmes et de jeunes filles qui subissent des violences sexuelles dans le monde…". Le livre qu’elle a publié a d’ailleurs pour titre Pour que je sois la dernière (Fayard) car elle formule le souhait d’"être la dernière fille au monde à avoir à raconter une histoire pareille".


Un autre exemple évident est celui de Denis Mukwege, ce gynécologue et chirurgien maintenant bien connu qui soigne les femmes victimes de viol et d’autres sévices sexuels dans le cadre du conflit en République démocratique du Congo (RDC) – il est souvent surnommé "l’homme qui répare les femmes" –, et qui a été co-lauréat, avec Nadia Murad, du prix Nobel de la paix 2018.


Pour lui aussi, vouer sa vie à une cause est ce qui le fait tenir dans les périodes les plus difficiles. Il raconte à ce propos cette magnifique anecdote : "Laissez-moi vous raconter quelque chose : un jour, j’avais décidé de tout abandonner, je vivais loin du Congo, je ne voulais plus y retourner. Des femmes d’Idjwi (île du lac Kivu) ont écrit au président de la République : elles n’ont pas eu de réponse. Elles ont écrit au secrétariat général des Nations unies : elles n’ont pas eu de réponse. Alors, qu’ont-elles fait, ces femmes si courageuses ? Elles sont venues un vendredi jusqu’à l’hôpital. Un long voyage de 80 kilomètres, à pied, avec les fruits et les légumes qu’elles cultivent à la sueur de leur front. Elles les ont vendus et, alors qu’elles n’ont pas un dollar par jour pour vivre, ont déposé le produit de cette vente, 50 dollars, à l’hôpital. Et chaque vendredi, elles sont revenues vendre leurs récoltes et en déposer le fruit à l’hôpital, encore 50 dollars, pour payer le billet d’avion qui me ferait revenir. Que croyez-vous que j’ai fait ? Je suis revenu. Et j’ai compris, grâce à ces femmes de l’île d’Idjwi, qu’il ne fallait pas désespérer". Le dernier ouvrage que Denis Mukwege a publié s’intitule ainsi La force des femmes (Gallimard) auxquelles il rend un vif hommage : "C’est vous, les femmes, qui portez l’humanité".


Masih Alinejad, journaliste iranienne qui a été contrainte à l’exil, explique, de son côté : "J’ai décidé de devenir la championne de ma propre vie. Au lieu de rester une victime, je suis devenue une combattante". Elle reconnaît cependant que cela a un coût, mais qu’elle n’a jamais perdu l’espoir : "J’ai tellement été sous pression que j’ai parfois pensé au suicide. Mais j’y ai toujours renoncé en me disant que ces misérables ne parviendraient pas à m’abattre. Ils ont beau avoir des armes, ce sont eux qui ont peur de moi. Si j’ai perdu beaucoup de choses dans ma vie, je n’ai jamais perdu l’espoir".

Vouer sa vie à une cause est également la voie choisie par Zarifa Ghafari, qui est la plus jeune femme afghane à avoir été nommée maire (elle a été maire de la ville de Maidan Shahr) et qui a été contrainte de s’exiler lors du retour des talibans au pouvoir en Afghanistan en 2021. Elle explique à ce propos que « Le but de ma vie est de ne jamais désespérer de rien, et de refuser d’être déçue par quoi que ce soit. Je crois personnellement en la force de ma génération et en la justesse de notre combat, qui se poursuit, hier comme aujourd’hui, pour de meilleurs lendemains. Si mon existence a connu des hauts et des bas, j’ai vu, quelles que soient les époques, les femmes lutter en Afghanistan, à la différence des hommes qui ont toujours œuvré à sa destruction. Aujourd’hui, le peuple afghan est fatigué de la guerre et doit se réformer de l’intérieur, sans la moindre ingérence extérieure. Il nous faut également prendre des risques, car rien ne s’obtient gratuitement dans la vie. Voilà pourquoi j’ai décidé de retourner en Afghanistan au mois de février dernier, afin de venir en aide à une centaine de familles, notamment des femmes veuves".

C’est également le cas de l’Ukrainienne Olga Rudenko, qui est la rédactrice en chef du journal Kyiv Independent : "Je ne désespère pas du tout. Je ne ferai pas ce que je fais si je pensais qu’il n’y avait pas d’espoir. L’année écoulée a été incroyablement dure pour nous tous en Ukraine. La plus difficile depuis des décennies. Malgré tout, elle nous a enseigné une chose : quand le peuple est uni, il est capable de consentir à d’immenses sacrifices pour une cause qu’il croit juste. Nous voyons en Ukraine le pire mais aussi le meilleur de l’humanité". Mais, elle reconnaît tout de même qu’à titre personnel, cette situation est loin d’être toujours facile à vivre : "Il y a eu des jours où j’ai senti que j’étais proche de perdre espoir. Parfois, il m’arrive de me demander si nous sommes condamnés à écrire toute notre vie des articles sur les atrocités que subit notre peuple. Mais je me reprends vite, le lendemain, je me remets au travail. Notre cause est loin d’être perdue, au contraire. Il est évident que nous finirons par l’emporter sur le despote".



La persévérance, jusqu’au bout de ses rêves


Une autre grande leçon des personnalités interrogées par Le Point dans ce numéro commémorant les 50 ans de l’hebdomadaire est l’aspect crucial de la détermination et de la persévérance dont nombre d’entre elles ont dû faire preuve pour atteindre les objectifs qu’elles s’étaient fixées. La foi en elles-mêmes, leur passion et leur ambition leur ont, en effet, permis de faire face aux échecs, à l’adversité ou au scepticisme de leurs proches ou de leur entourage professionnel. Cela concerne plus particulièrement des scientifiques ou des entrepreneurs.


L’histoire de Dan Shechtman est emblématique de ce point de vue. Dan Schechtman est un scientifique israélien qui a découvert les quasi-cristaux. Or, "sa découverte a été incomprise et combattue [par la communauté scientifique] pendant plusieurs années" avant d’être reconnue puisqu’elle a été récompensée par l’attribution du prix Nobel de chimie en 2011. Il en tire la conclusion selon laquelle "si vous êtes un expert dans votre domaine scientifique, n’abandonnez jamais lorsque les résultats tardent à apparaître. Faites-vous confiance, continuez à travailler, et ils apparaîtront".


Il en a été de même pour Katalin Kariko. Cette scientifique est partie de sa Hongrie natale en 1985 pour s’installer aux Etats-Unis "avec 90 dollars d’économies cachés dans l’ours en peluche de sa fille". Elle a été l’une des pionnières dans la découverte de l’ARN messager, même si elle a dû faire face aux réticences d’une partie de la communauté scientifique à propos de ses recherches. Elle est aussi vice-présidente du laboratoire allemand BioNTech, qui est à l’origine de l’un des principaux vaccins contre la Covid-19.


Voici ses conseils : "Savez-vous combien de fois j’ai été licenciée, ou écartée ? J’ai eu besoin de tous ces échecs pour me ressourcer, me recentrer et voir ce qui était important. Nous devons nous concentrer sur ce que nous pouvons faire et nous améliorer, au lieu de nous torturer en nous demandant pourquoi c’est nous qui avons été licenciés". Elle considère d’ailleurs que "Les gens gâchent du temps et leur vie avec des regrets. Si j’ai persévéré sur l’ARN alors que personne n’y croyait, c’est parce que je n’ai pas attendu qu’on me tape sur l’épaule pour me dire : 'Katie, tu fais du bon boulot !'. Je savais que ce que je faisais était bien. Et que cela s’améliorerait".

Il a fallu également beaucoup de détermination et de persévérance à Stéphane Bancel, le cofondateur du laboratoire Moderna, qui a proposé, à l’instar de Pfizer-BioNTech, un vaccin à ARN messager contre la Covid-19.


Il reconnaît lui-même avoir beaucoup douté de l’ARN messager, technologie sur laquelle il avait tout misé : "Ma confiance dans l’ARN messager a fait des yoyos extraordinaires dans les deux ou trois premières années du projet. Il y avait des semaines où j’étais convaincu qu’on allait révolutionner la médecine, et d’autres où je me disais qu’on n’y arriverait pas… Mais abandonner n’a jamais été une option". Stéphane Bancel a toujours été déterminé, en effet, à aller jusqu’au bout : « Dès nos débuts, on s’est dit qu’on allait continuer quoi qu’il arrive, jusqu’au dernier centime dans nos caisses. On se voyait comme des alpinistes. On grimpait, on grimpait, on grimpait, sans se retourner, et en se disant qu’on finirait bien par atteindre le sommet. Tant qu’il y avait de la vie, il y avait de l’espoir. Et heureusement, plus on avançait et plus on découvrait de nouveaux débouchés".


Lluis Quintana-Murci, biologiste et généticien des populations, s’est heurté lui aussi à un grand scepticisme durant une grande partie de sa carrière. On lui a tout d’abord déconseillé de faire des études pour devenir chercheur en biologie, puis de faire une thèse de doctorat sur l’étude de la diversité génétique des populations humaines. Ensuite, on lui a fait comprendre qu’avec son sujet de recherche, il serait difficile de trouver un poste permanent en France, d’autant qu’il n’était pas Français. Et pourtant, il a été reçu au concours du CNRS, il a réussi à créer un laboratoire à l’Institut Pasteur, même s’il ne travaillait pas sur des sujets médicaux, et il est, depuis 2019, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Génomique humaine et évolution.


Conclusion de Lluis Quintana-Murci : "Malgré tous ces moments de découragement, je me suis accroché à mon rêve. Et avec de la passion, beaucoup de persévérance et un peu de chance, j’ai pu le réaliser. En dépit des faibles moyens accordés par nos gouvernements à la recherche académique en France (surtout les salaires inadaptés des jeunes chercheurs), je suis convaincu qu’il faut être positif, insister, se mobiliser afin de préserver son plus grand atout : la liberté de créer".


L’architecte japonais Tadao Ando, lauréat en 1995 du prix Pritzker d’architecture – l’équivalent du prix Nobel en architecture –, a dû lui aussi lutter contre l’adversité avant de trouver dans l’architecture ce qui allait devenir sa passion : « Dans ma vie, j’ai dû faire face […] à de nombreux revers. Né [au Japon] pendant la guerre et élevé dans l’après-guerre, l’ombre du conflit a toujours été projetée sur mon chemin. Lorsque j’ai obtenu mon diplôme d’études secondaires, ma situation financière et mon niveau d’études ne m’ont pas permis de poursuivre un cursus universitaire. J’ai fait de la boxe en espérant pouvoir en vivre, mais j’ai raccroché les gants après avoir assisté à la démonstration du talent brut du futur champion du monde, Masahiko 'Fighting' Harada. Cet échec m’a permis de grandir et m’a désigné une nouvelle voie : l’architecture, comme une lumière au-delà de l’obscurité. Apprendre l’architecture par moi-même, en voyageant dans le monde entier, m’a permis de bâtir le socle de ce que je suis aujourd’hui".

Ce fut tout autant le cas de l’écrivain turc Orhan Pamuk, prix Nobel de littérature en 2006. Après ses études supérieures, pendant sept ans, il écrit trois romans qui ne sont pas publiés en n’exerçant aucune activité professionnelle et en vivant grâce à l’argent de poche que lui donnait son père. Puis ses romans furent acceptés par des éditeurs. Ils parurent, obtinrent des prix et furent même des best-sellers. Comment a-t-il pu persévérer dans cette voie particulièrement hasardeuse alors que "beaucoup me disaient qu’en Turquie être écrivain n’était pas un métier et que je ne gagnerais jamais ma vie avec ça" ?


Voici ses réponses : (1) "J’avais foi dans le roman, dans 'l’art du roman' en tant que métier. […] J’étais […] sûr des qualités de ma matière romanesque, et certain que mes œuvres plairaient aux lecteurs. Non par vanité, mais parce que je connaissais le métier" ; (2) "Dans l’adversité, j’ai toujours veillé à me tenir à distance des gens qui ne m’aimaient pas ou ne me comprenaient pas" ; (3) "Quand j’ai décidé à 22 ans de devenir écrivain, la difficulté de la tâche m’est apparue très vite. […] J’aurais facilement pu me décourager en chemin. Je me suis éloigné de la vie bourgeoise qui m’était promise, j’ai abandonné mes études d’architecture pour écrire. En somme, j’ai fait sauter tous les ponts et brûlé le bateau de retour. Je n’avais alors plus d’autre choix que de persévérer".

Moussa Camara, le fondateur de l’association Les Déterminés, qui propose des formations gratuites pour développer l’entrepreneuriat dans les quartiers populaires, explique quant à lui que "Désespérer, c’est en quelque sorte abandonner, ne plus essayer. À la tête d’une structure comme Les Déterminés, vous imaginez bien que je suis capable de vous dire en quoi il ne faut désespérer de rien. Je suis né dans un quartier et j’aurais pu de nombreuses fois lâcher, et pourtant je suis là où je suis. C’est dans les plus grosses crises que naissent les plus grosses opportunités. Ma force de persévérance fait que je mène chaque projet jusqu’au bout, qu’importent les obstacles, l’environnement, les barrières que je peux rencontrer. Grandir dans un quartier m’a appris qu’à force de détermination, de courage et de persévérance, on change des trajectoires, des destins. Et j’en suis la preuve, car je n’ai jamais désespéré". Il n’est donc pas étonnant que l’association qu’il a créée s’appelle justement Les Déterminés.


Enfin, le cuisinier Olivier Roellinger a su faire preuve lui aussi de résilience et de détermination face aux épreuves : "Défiguré par mon chien à 2 ans et demi, abandonné par mon père à 13 ans, tabassé gratuitement à mort par cinq gamins à 20 ans… Les épreuves ne m’ont pas épargné. La résilience m’a permis de les surmonter en les transformant en force. Je me suis rendu compte de la chance de pouvoir vivre pleinement sa vie et me suis juré de profiter de chaque miette en gardant l’esprit d’un enfant. Très vite, j’ai compris que ma thérapie passerait par la cuisine. C’est elle qui m’a sauvé. Aujourd’hui, mes deux enfants ont repris le flambeau. Leurs rêves ont rejoint les miens, me donnant ainsi le sentiment d’être devenu immortel".



D’autres pistes pour ne pas désespérer


Le psychologue cognitiviste Steven Pinker nous recommande tout d'abord de prendre du recul par rapport aux informations divulguées dans les médias : "Mon propos […] n’est pas tant de vous faire changer votre vision du monde que de vous faire comprendre que ce que vous pensez en savoir est probablement faux, ou du moins incomplet. Si votre appréciation de la réalité est liée aux actualités, alors elle est systématiquement déformée. Les informations que nous offrent les médias sont un échantillon non aléatoire et lourdement biaisé des pires faits survenant sur la planète un jour donné. La plupart des événements sont négatifs, parce qu’il y a beaucoup plus de chances que quelque chose tourne mal que bien. Et ce qui va bien tient souvent, précisément, du non-événement – c’est un pays en paix, une région qui ne connaît pas la famine – ou de tendances ne bougeant que de quelques points de pourcentage par an, mais qui, petit à petit, cumulé sur le long terme, ont de quoi transformer le monde. Dès lors, seuls les grands ensembles de données peuvent nous fournir une image précise de l’état du monde et de son évolution". C’est la raison pour laquelle Steven Pinker tend à nous inciter à suivre les données, et non les gros titres de la presse, "car de la sorte, vous pouvez prendre conscience de toutes les améliorations qu’a connues le monde et qui sont cachées dans les journaux : diminution de l’extrême pauvreté, des guerres, des génocides, de l’analphabétisme, du racisme, de la criminalité violente, du temps de travail, des décès accidentels et de l’oppression des femmes. Autant d’informations qui auraient de quoi rendre optimiste, si jamais l’optimisme était la conséquence de la découverte de nouveaux faits, pas d’un changement de mentalité".


Agir apparaît aussi comme un bon moyen de ne pas sombrer dans le désespoir. Véronique Nichanian, la directrice artistique de l’univers masculin d’Hermés, estime ainsi que "la solution réside dans l’action, dans le faire. Les valeurs de l’artisan – et je me définis comme une créatrice-artisan – portent cette promesse d’optimisme". C’est ce qu’affirme également le banquier Philippe Oddo, associé-gérant de la banque Oddo BHF : "Je vous confirme qu’il ne faut jamais désespérer de rien ! Le meilleur remède au désespoir, c’est l’action".

Yuval Noah Harari rappelle, de son côté, que "le véritable pouvoir de l’humanité réside dans sa capacité à coopérer en grand nombre. Nous ne sommes pas maîtres sur Terre parce que nous sommes plus puissants ou intelligents que les dauphins, les éléphants ou les chimpanzés. Ce qui nous rend particuliers, c’est notre capacité à coopérer en nombre illimité. Des millions de personnes peuvent se rassembler autour d’un projet ou d’un réseau. Lorsqu’on me demande quelle est la meilleure chose à faire pour s’occuper des problèmes du monde ma réponse est toujours la même : il faut coopérer avec d’autres. Il ne faut pas essayer de tout faire par soi-même ; il faut rejoindre une organisation. Cinquante personnes qui travaillent ensemble peuvent faire bien plus que cinq cents qui militent isolément".

Cette force de l’intelligence collective et du collectif apparaît particulièrement cruciale dans des périodes de ruptures de la normalité, comme l’explique le général Jean-Claude Gallet, ancien commandant de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris, qui a notamment conduit l’opération de sauvetage lors de l’incendie de la Notre-Dame-de-Paris : "Face à une situation chaotique – un incendie, un attentat – décider, commander et agir ne sont pas les choses les plus difficiles et les plus stressantes. La clé, c’est la gestion du collectif face à l’imprévu ainsi que le sens de la mission. Cela se travaille en amont, sur la durée, par temps 'calme', chaque jour. Se préparer à réagir face à l’inconnu, se préparer à engager sa propre vie pour sauver quelqu’un, c’est faire appel à sa propre humanité. C’est le sens de la mission. C’est ce qui, devant le chaos, vous permet de ne pas 'désespérer de tout'. Face à une tragédie, la lucidité, le réalisme peuvent conduire à une forme de désespoir. Mais le sens de votre engagement vous permet de dépasser l’effet de sidération, l’abattement et le pessimisme. Et de réagir ! L’optimisme dans l’action, lorsque celui-ci est basé sur la légitimité de la mission, c’est une énergie d’une puissance folle qui permet de faire avancer un groupe face au chaos. Au Rwanda, après le génocide, j’ai entendu ce proverbe tutsi : 'Après la nuit vient toujours l’aube'. Ces mots simples touchent du doigt une réalité : il y a toujours un point cardinal, une lumière qu’il faut aller chercher. Celle-ci s’incarne dans l’humanité qui anime chacun d’entre nous. C’est à elle qu’il faut se raccrocher pour affronter le pire. Cette lumière s’entretient et se travaille. Quand on l’oublie, on baisse la tête".



En définitive, ainsi que l’affirme Shirin Ebadi, l’avocate iranienne des droits de l’homme, lauréate du prix Nobel de la paix en 2003, "espérer signifie tout bonnement rester en vie. Cela veut dire qu’il existe toujours une infime possibilité de changer les choses, en toutes circonstances. Au contraire, le désespoir, c’est la mort".


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