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Climat : il n'est jamais trop tard pour agir !

Le dérèglement climatique, dont les impacts sont de plus en plus tangibles comme on peut le voir en ce moment en Inde et au Pakistan, suscite à juste titre beaucoup d’inquiétudes. Il est ainsi de plus en plus question d’éco-anxiété, que l’on peut définir comme "un terme qui rend compte des expériences d’anxiété liées aux crises environnementales. Il englobe 'l’anxiété liée au changement climatique' […], tout comme l’anxiété suscitée par une multiplicité de catastrophes environnementales" (Teaghan L. Hogg, Samantha K. Stanley, Léan V. O’Brien, Marc Wilson et Clare R. Watsford, « The Hogg Eco-Anxiety Scale: Development and validation of a multidimensional scale », Global Environmental Change, novembre 2021, https://doi.org/10.1016/j.gloenvcha.2021.102391).


Pourtant, plusieurs éléments récents tendent à indiquer qu’il n’est pas trop tard pour agir et que des solutions sont envisageables pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.


Un rapport du GIEC axé sur les solutions

A commencer par le troisième volet du sixième rapport d’évaluation du GIEC consacré à l’"atténuation", qui a été publié au début du mois d’avril. Celui-ci montre que, malgré les engagements des Etats, les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter. Mais ce rapport présente aussi la particularité de proposer des solutions pour réduire ces émissions.


Céline Guivarch et Franck Lecocq, co-auteurs de ce rapport, parlent à ce propos d’un rapport "prudemment optimiste". Ils en font une synthèse intéressante dans un article mis en ligne sur le site The Conversation France.


Les auteurs du rapport considèrent que l’inaction est plus coûteuse que les investissements nécessaires : "les avantages des scénarios permettant de limiter le réchauffement à 2 °C dépassent les coûts des mesures d'atténuation [des émissions]". Ainsi que l’affirme Céline Guivarch interrogée par France info, "C'est une conclusion extrêmement robuste. La réduction de nos émissions est un investissement qui, à long terme, vaut le coup".


Cela implique, d’après le GIEC, "de rapides, profondes et la plupart du temps immédiates réductions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs".


- Energie : "transition majeure" avec "le déploiement de sources d'énergie peu émettrices" (éolien, solaire, hydraulique, nucléaire). Pour le GIEC, des technologies peu carbonées "ont montré de nombreux progrès [...] en termes de coût, de performance et de déploiement".

- Industrie : l’objectif de zéro émission nette est un "défi", mais qui est "faisable".

- Agriculture, forêt et usage des terres : le GIEC préconise une gestion durable des cultures et des élevages, ainsi qu'une transition vers des régimes alimentaires plus riches en végétaux et moins carnés.

- Transports : réduction de la demande de transports, report sur des modes moins polluants, des modes actifs (vélo, marche) avec des investissements, électrification des véhicules et biocarburants.


Le GIEC envisage aussi comme solutions le développement de puits naturels de carbone (grâce à la reforestation et au changement de pratiques des sols) et des solutions artificielles de capture et stockage du CO2. Il est intéressant de noter que l’aspiration du CO2, qui était écartée jusque-là par les experts du climat, est maintenant vue comme l'une des solutions pour limiter les émissions de CO2.


D’après Céline Guivarch et Franck Lecocq, le rapport insiste sur "la nécessaire implication de l’ensemble des acteurs sociaux – entreprises, secteur financier, société civile, citoyens… – pour prendre des mesures immédiates et ambitieuses afin de réduire rapidement les émissions de GES". Il se base également sur la stratégie "Eviter, changer, améliorer": (1) éviter des comportements très énergivores, (2) passer à des technologies moins émettrices pour le même service, (3) améliorer l'efficacité énergétique des technologies existantes.


"Il n'est jamais trop tard pour agir en faveur du climat"

Dans le sillage de la parution de ce rapport, deux tribunes intéressantes ont été publiées dans la presse. La première, parue dans Le Monde, a été rédigée par un collectif de scientifiques auteurs des trois volets du sixième rapport d’évaluation du GIEC avec pour titre "Il n’est jamais trop tard pour agir en faveur du climat".


Pour les auteurs de cette tribune, "Ce nouvel opus nous explique que, malgré des politiques climatiques de plus en plus nombreuses prises dans de nombreux pays, nous sommes loin d’être en route pour limiter le réchauffement à 2 °C, a fortiori à 1,5 °C. Sauf en cas d’action très rapide, soutenue dans le temps et à grande échelle, pour réduire fortement les émissions en 2030 et atteindre la neutralité carbone au milieu du siècle". Néanmoins, pour eux, "Ce défi n’est pas hors de portée, c’est le message-clé du dernier rapport, mais il est, de fait, particulièrement ambitieux".


A ce propos, ils remettent en cause l'idée, beaucoup entendue ces derniers temps dans les médias, selon laquelle nous aurions "trois ans seulement pour garantir un monde vivable": "Cette affirmation en forme de compte à rebours particulièrement alarmiste ne figure pas dans le rapport". Ils considèrent que "Cette affirmation n’est [...] pas cohérente avec les conclusions du rapport, et elle contribue même à en obscurcir les principaux messages" en véhiculant "l’idée d’un tout ou rien. Soit nous agissons avant 2025, soit c’est la catastrophe." Or, "il n’y a pas, à ce jour, de seuil établi au-delà duquel il n’y aurait plus rien à sauver. Dit autrement, chaque fraction de degré de réchauffement évité compte, et il n’est jamais trop tard pour agir, même si nous devions, au moins temporairement, dépasser les 1,5 °C".


Ils soulignent également que "le rapport identifie un ensemble d’'actions [qui] peuvent être prises dès à présent' pour 'changer les trajectoires de développement, accélérer la réduction des émissions et les transitions dans tous les secteurs'". De leur point de vue, "Les actions à mener pour en faciliter la mise en œuvre sont connues, par exemple réorienter les investissements et financements sous-jacents. Les mettre en œuvre rapidement et simultanément constitue en revanche un immense défi".


Un découplage entre PIB et émissions de gaz à effet de serre

La seconde tribune a été publiée dans La Tribune par deux économistes de l'environnement de Toulouse School of Economics (TSE), Stefan Ambec et Claude Crampes.


Ils indiquent que les auteurs du troisième volet du sixième rapport du GIEC observent un découplage entre PIB et émissions de gaz à effet de serre et "que de nombreux pays industrialisés ont réussi à réduire leurs émissions de GES par unité de PIB". C'est notamment le cas de l'Union européenne, qui a réduit l'empreinte carbone de la consommation par unité de PIB de 8% entre 1995 et 2015.


Ce découplage s'explique d'abord par "l'investissement massif dans les énergies renouvelables (solaire et éolien) pour la production d'électricité". Ils en concluent que "Le découplage amorcé doit donc être accéléré en investissant massivement dans les technologies décarbonées partout dans le monde, et surtout dans les zones à forte croissance économique".


Il est à noter que les auteurs de ces deux tribunes se montrent critiques sur la façon dont les médias couvrent les questions climatiques. Les auteurs de la première tribune critiquent ainsi l'idée qu'il ne nous resterait que trois ans, idée reprise par de nombreux médias. Pour les auteurs de la seconde tribune, "'On court à la catastrophe si on ne fait rien, mais il n'est pas trop tard à condition d'agir vite'. Voici en gros ce qu'on aura retenu du dernier rapport du [GIEC], du moins à partir de ce qu'en disent les médias."


Le réchauffement climatique pourrait être limité à 1,9-2°C

En outre, une étude parue également en avril dans la revue Nature - "Realization of Paris Agreement pledges may limit warming just below 2 °C" - indique que, si les pays respectent les engagements qu’ils ont pris lors de la COP26 de novembre 2021, le réchauffement climatique pourrait être limité à 1,9-2°C. Cela reste bien évidemment supérieur à l’objectif de l’Accord de Paris (1,5°C), mais c’est tout de même la première fois que ce type de prédiction scientifique envisage une hausse inférieure à 2°C.


Malte Meinshausen, l’un des principaux auteurs de l’étude, indique à ce propos qu’"en additionnant les engagements des pays il y a à peine un an, nous ne pouvions pas voir que 2°C était envisageable. Cela a changé. Maintenir la hausse de la température mondiale juste en-dessous de 2°C semble désormais possible".


Le Climate Show de Genève

Alors que le dernier rapport du GIEC met l’accent sur les solutions, il est à noter que le Salon international Climate Show 2022, qui se présente comme une "vitrine des innovations écologiques" et du "changement social durable", s’est déroulé à Genève les 20-21 avril.


Il s’agit d’un salon dédié aux "innovations, aux solutions durables et aux éco-développements dans le domaine de la protection de l’environnement, le climat et de la réduction des émissions de carbone". Dans ce "marché des innovations durables et des solutions écologiques", on peut y retrouver des éco-innovations en matière de mobilité verte, d'économie circulaire, d'énergies renouvelables, de construction durable, de gestion des déchets ou de finance verte.


Le mouvement "OK, Doomer"

Enfin, on doit mentionner l’émergence du mouvement "Ok, Doomer" évoqué dans un article récent du New York Times. Il fait bien sûr référence au désormais célèbre "Ok, Boomer" et lutte, en même temps, contre le catastrophisme ("Doomer"), en l’occurrence climatique.


Ce courant est véhiculé par de jeunes militants pour le climat qui s’insurgent, en effet, contre le catastrophisme climatique. Ils pensent que se concentrer uniquement sur les mauvaises nouvelles climatiques ne peut que provoquer peur et paralysie et favoriser l’inaction. Ils en concluent que le catastrophisme climatique ne conduit au bout du compte qu’à préserver le statu quo basé sur le consumérisme et les énergies fossiles.


Ils ont donc décidé de mettre l’accent sur les bonnes nouvelles climatiques, sur les solutions et sur les conseils pratiques pour lutter dans sa vie quotidienne contre le dérèglement climatique. C’est par exemple le cas d’Alaina Wood qui, depuis 2021, cherche à démystifier le catastrophisme climatique et à "éduquer la population plutôt qu’à l’effrayer". Elle est suivie par près de 300 000 abonnés.


La psychologue Inesinha Lopes explique, en effet, que "Dans les campagnes pour l'environnement, on dit de ne pas entrer dans le doom and gloom parce que les gens deviennent comme des chevreuils devant des phares, ils paralysent. Ce n'est pas ce qu'il y a de plus efficace en termes d'impacts". En définitive, pour elle, le grand défi est le suivant : "On veut que les gens comprennent que c'est sérieux, mais qu'ils ne soient pas paralysés par la peur. C'est ça le défi".




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