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Eté 2025 : un grand stress test pour les optimistes

  • Photo du rédacteur: eddyfougier
    eddyfougier
  • il y a 1 jour
  • 9 min de lecture
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Même si l’été est une période où l’on peut prendre un peu de recul par rapport au tumulte du monde si l’on a la chance de pouvoir partir en vacances, cela devient néanmoins de plus en plus une période durant laquelle notre degré d’optimisme est mis à rude épreuve.


Ceci est bien évidemment lié en premier lieu à la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes - vagues de chaleur avec des records de température, sécheresses, inondations, incendies de forêt - qui contribuent à renforcer l’éco-anxiété de très nombreux individus. L’actualité regorge d’autres événements dramatiques (à Gaza, en Ukraine et ailleurs).

 


Une accumulation de publications inquiétantes


En plus, cette année, ont été publiés durant l’été des livres, des études et des articles tous plus inquiétants les uns que les autres.


Luke Kemp, un chercheur du Centre pour l’étude des risques existentiels de l’Université de Cambridge, a ainsi publié Goliath’s Curse. C’est un livre fruit de sept années de recherche basée sur l’étude de plus de 400 civilisations sur cinq millénaires, dans lequel il conclut que le monde pourrait s’effondrer prochainement compte tenu de l’importance croissante des inégalités (voir aussi cette source).


Le journaliste scientifique Peter Brannen, lui, est l’auteur d’un ouvrage intitulé The Story of CO2 is the Story of Everything dans lequel il explique que les principales extinctions ont été causées par des quantités de CO2 extrêmement élevées dans l’atmosphère liées soit à des éruptions volcaniques, soit à des activités humaines. Pour lui, "Le rejet de quantités importantes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère au rythme actuel pourrait conduire la planète à une nouvelle grande extinction", une sixième extinction de masse des espèces (source).


David Betz, professeur au King’s College de Londres, vient de faire paraître, de son côté, un article dans la revue scientifique Military Strategy Magazine dans lequel il parle d’un risque de guerre civile dans les pays européens et plus particulièrement en France et au Royaume-Uni.


Enfin, une étude publiée par des chercheurs de Microsoft établit la liste des métiers les plus menacés par l’Intelligence artificielle : interprètes et traducteurs, historiens, auteurs et écrivains, agents de service client, opérateurs téléphoniques, animateurs radio, télévendeurs, concierges, reporters et journalistes, mathématiciens, hôtes et hôtesses, éditeurs, spécialistes des relations publiques…


Inégalités, climat, stabilité des sociétés, impact de l’IA sur l’emploi, autant de thématiques qui amènent une partie notable de la population à penser que nous sommes dans une situation d’effondrement global, de chaos généralisé. Cela débouche souvent sur un sentiment d’impuissance, l’impression que "tout est foutu". L’économiste Vincent Escoffier expliquait ainsi fin juillet dans Le Monde à propos du dérèglement climatique que "la bascule vers le désespoir climatique intervient lorsque la conviction est acquise qu’’on n’y arrivera pas’". Cela nourrit également sans aucun doute les extrémismes, politiques, religieux ou identitaires.

 


Trois formes d’optimisme


A coup sûr, le monde de 2025 constitue un important stress test pour tous les optimistes. Comment doivent-ils y réagir s’ils souhaitent conserver un tant soit peu un état d’esprit positif ?


Pour cela, il convient tout d’abord de distinguer, de façon assez sommaire, trois formes d’optimisme.


(1) La première est celle d’un optimisme que l’on pourrait qualifier de "spontané" et de "naturel".

 

Il correspond à un tempérament personnel, à ce que les psychologues appellent un "style explicatif optimiste", à un état d’esprit, qui est à la fois largement indépendant des événements vécus et inégalement réparti dans la population : on a un tel tempérament ou on ne l’a pas, même si l’on peut tout de même devenir plus optimiste grâce à diverses techniques de "reprogrammation".


Dans le monde de 2025, l’optimiste de ce type aura tendance à conserver quoi qu’il en soit son tempérament optimiste. Il est peu susceptible d’être affecté par ce que les Allemands appellent le Weltschmerz, terme difficilement traduisible qui désigne "un type unique de chagrin qui n’est pas lié à des difficultés personnelles mais à celles des autres ; non pas à son propre malheur, mais au malheur du monde en général" (source).

 

(2) La seconde forme est celle d’un optimisme pragmatique et plus "rationnel".


Celui-ci s’appuie sur des faits et en l’occurrence sur un élargissement du regard sur l’état du monde (ou d’un pays) à ce qui va bien, à ce qui s’améliore et à ce qui peut être source d’espoir. C’est l’optimisme de celles et de ceux qui estiment que le monde ne va pas si mal que ça – ils tendent à se concentrer sur le fameux "verre à moitié plein" – et qui croient encore à un progrès possible.


Dans le monde de 2025, l’optimiste de ce type reconnaîtra que la situation est souvent compliquée et que les défis sont grands, mais il estimera tout de même que le monde va sans doute mieux que ce que l’on croit.

 

(3) La troisième forme est celle d’un optimisme de combat ou d’un "optimisme obstiné" (stubborn optimism).


Ces optimistes ne sont pas nécessairement d’un tempérament optimiste. Ils ne considèrent pas forcément que le monde ne va pas aussi mal que ça. Ils sont pleinement conscients de l’extrême gravité de la situation et de la nature des risques qui ont en particulier été mis en exergue dans les rapports publiés cet été que l’on a vu plus haut, en n’étant ni dans le déni – en considérant par conséquent que leurs conclusions sont autant d’avertissements et de chocs qui peuvent même s’avérer salutaires –, ni dans le catastrophisme. Ils estiment néanmoins que l’on se doit d’être optimiste dans de telles circonstances si l’on veut être en mesure de faire face aux immenses défis qui se dressent devant nous. Et qu’il est nécessaire de passer à l’action d’une manière ou d’une autre et à son niveau dans certains cas, ou bien de tenir autant que possible dans d’autres (on peut penser aux populations victimes de conflits par exemple), en partant du principe que la "réussite" ou la "victoire" sont les seules options envisageables.


 

Un nécessaire optimisme de combat


Ce dernier type d’optimisme a été incarné sur le plan individuel par des personnalités telles que Nelson Mandela, Viktor Frankl ou James Stockdale et sur le plan collectif par Winston Churchill ou Charles de Gaulle pendant la Seconde Guerre mondiale (voir à ce propos https://www.obsdupositif.org/post/les-chroniques-du-positif-manifeste-pour-un-optimisme-de-combat et https://www.obsdupositif.org/post/comment-faire-face-au-krach-de-l-optimisme).


Nelson Mandela par exemple, resté prisonnier pendant 27 ans durant l’Apartheid en Afrique du Sud, déclarait ainsi : "Je n'ai jamais sérieusement envisagé la possibilité de ne jamais sortir de prison. Je n'ai jamais pensé qu'une condamnation à perpétuité signifiait vraiment la vie et que je mourrais derrière les barreaux. Peut-être ai-je nié cette perspective, trop pénible à envisager. Mais j'ai toujours su qu'un jour, je sentirais à nouveau l'herbe sous mes pieds et marcherais au soleil, libre. Je suis fondamentalement optimiste. Que cela soit inné ou acquis, je ne peux pas le dire. Être optimiste, c'est garder la tête haute et avoir les pieds qui vont vers l’avant. J'ai connu de nombreux moments sombres où ma foi en l'humanité a été mise à rude épreuve, mais je ne voulais ni ne pouvais me laisser aller au désespoir. C'est là que je courais à la défaite et à la mort" (Long walk to Freedom).


Ce type d’optimisme a pris des noms différents. Le psychiatre Viktor Frankl, interné pendant trois ans dans le camp d’Auschwitz durant la Seconde Guerre mondiale, est ainsi à l’origine du concept d’optimisme tragique. C’est la quête de sens face aux inévitables tragédies de l’existence humaine, et en particulier face à la souffrance, à la culpabilité et à la mort, que Viktor Frankl qualifie de "triade tragique". C’est en définitive "la capacité de garder espoir et de trouver un sens à la vie, malgré la douleur, la perte et la souffrance inéluctables".


Le militaire américain James Stockdale, prisonnier pendant huit ans au Vietnam, a défendu une vision de l’optimisme désormais connue sous le nom de "paradoxe de Stockdale" défini ainsi par le consultant Laurent Mellah : "Espoir (Savoir que l’on va s’en sortir coûte que coûte) + Réalisme (Affronter la réalité et les dangers tels qu’ils sont)". James Stockdale expliquait ainsi qu’ "Il ne faut jamais confondre la foi en la victoire finale – une foi que l'on ne peut jamais se permettre de perdre – avec la discipline nécessaire pour affronter les réalités les plus brutales de notre réalité actuelle, quelles qu'elles soient" (source). Il avait d’ailleurs observé que "les prisonniers trop optimistes, incapables de comprendre leur réalité, mouraient de découragement. Il en était de même pour ceux pris dans une réaction traumatique d'inaction. Le petit groupe de prisonniers qui a survécu a réussi à allier une perspective pleinement éclairée à un optimisme inconditionnel" (source).


Christiana Figueres, qui a été secrétaire exécutive de la Convention des Nations unies sur le changement climatique entre 2010 et 2016, donc notamment au moment de l’Accord de Paris de 2015, et Tom Rivett-Carnac ont parlé quant à eux d’"optimisme obstiné" à propos du dérèglement climatique dans un livre paru en 2021, The Future We Choose: The Stubborn Optimist’s Guide to the Climate Crisis.


Christiana Figueres estime que l’optimisme obstiné "est un choix – certes courageux – et je suis convaincu que nous devons le faire face à la crise climatique. Sans cela, honnêtement, nous n'avons aucune chance" (source). Laura Woodward définit d’ailleurs l'optimisme obstiné comme "une décision consciente d'adopter un état d'esprit optimiste pour changer les choses" (source). Comme l’écrit le site Global Optimism, fondé par Christiana Figueres et Tom Rivett-Carnac, "Avec un optimisme obstiné, nous pensons que ‘l’impossible n’est pas un fait, c’est une attitude’. Et nos attitudes sont entièrement sous notre contrôle".


Le Forum économique mondial parle de son côté d’un "optimisme informé" (informed optimism) : "Face à une menace existentielle, il est essentiel de comprendre la réalité à laquelle nous sommes confrontés. Ne pas le faire conduit les décideurs à une perception erronée du problème et donc à des solutions mal conçues, à court terme et souvent linéaires. À l'inverse, se focaliser sur la menace engendre une réaction traumatique de combat, de fuite, de paralysie et de repli sur soi, induisant l'inaction et amplifiant le risque au lieu de l'atténuer". Conclusion, c’est "En comprenant les dures vérités sur notre réalité et en gardant la conviction que nous pouvons et réussirons à créer un avenir meilleur, nous progressons vers un avenir meilleur". 


Jamie Bristow et Rosie Bell ne disent pas autre chose toujours à propos du climat dans un article publié sur le site resilience.org : "En réalité, la quasi-totalité des experts impliqués valorisent à la fois l'espoir et le réalisme, et estiment trouver le juste équilibre entre les deux […] l'acceptation et l'optimisme sont tous deux nécessaires. Accepter notre situation actuelle est une condition préalable à une action efficace dans la réalité que nous vivons, tandis que l'espoir d'un avenir viable reste une condition préalable aux efforts nécessaires pour le concrétiser. Plutôt que de jouer sur des stratégies fondées sur une valeur opposée à une autre, il est nécessaire de trouver une voie médiane, où l'espoir reste primordial, mais où nos espoirs peuvent évoluer en fonction des réalités actuelles et des multiples perspectives possibles" (source).

 


Cette approche spécifique de l’optimisme, qui est basée sur un choix conscient, plutôt que sur un tempérament, a sans doute deux implications majeures.


Elle implique, en premier lieu, de cultiver une certaine forme de sérénité face à l’état du monde et donc potentiellement une transformation intérieure en s’inspirant par exemple du stoïcisme.


Elle implique sans doute aussi de repenser en grande partie le monde tel qu’il est sur d’autres bases en s'appuyant sur un certain nombre de valeurs-clefs : démocratie, liberté, paix… Christiana Figueres expliquait ainsi que "Nous aurons besoin d'un état d'esprit nourrissant et optimiste pour rassembler le courage nécessaire à la transformation des économies afin que le bien-être humain et planétaire soit prioritaire. Après tout, l'économie est un système que nous, les humains, avons conçu. Dans sa forme actuelle, l'économie mondiale reflète une négligence chronique de notre monde intérieur et de ce qui est le plus cher aux êtres humains. Nous privilégions la compétition plutôt que la coopération. Nous privilégions la destruction de l'environnement plutôt que sa régénération. Nous privilégions les gains à court terme plutôt que la paix et la prospérité à long terme pour les générations futures" (source). C’est également ce à quoi nous engage Philippe Dessertine dans son dernier livre, L’Horizon des possibles. Il y milite en faveur d’une réinvention de "nos modèles, nos priorités et nos espoirs pour construire un avenir où chaque être humain peut prospérer tout en ayant la certitude que ses enfants vivront mieux que lui". Il invite ainsi à construire un autre modèle économique "radicalement différent, qui propose à l’humanité tout entière une croissance durable, qui permette de régénérer l’écosystème naturel tout en offrant une perspective de sortie de la pauvreté aux populations les plus exposées à moyen terme, soit à une génération". Il estime d’ailleurs que "Trouver une autre manière de produire, une autre manière de consommer, une autre manière de vivre ne peut venir que de la base, des 'vraies gens', de ceux qui, partout, décideront de rompre avec le passé, avec leur passé".


 
 
 

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