top of page
Photo du rédacteureddyfougier

Manifeste pour une transition positive

Une transition est définie comme le "passage d’un état à un autre" (Larousse). On parle ainsi de transition démographique, écologique, énergétique, démocratique ou alimentaire. Mais il semble nécessaire de rajouter une transition nouvelle qui serait une transition dite "positive". Celle-ci consiste à passer d’une situation où l’on tend, de façon consciente ou inconsciente, à favoriser tout ce qui est négatif ou ce qui relève d’un constat critique à une situation où l’on donne la priorité à ce qui est plutôt positif, à ce qui est constructif et aux solutions. Cela correspond en grande partie aux démarches de la psychologie positive, du journalisme de solutions ou des "nouveaux optimistes".

La psychologie traditionnelle met plutôt l’accent sur l’étude de pathologies (maladies mentales, dépression, anxiété, etc.). Ainsi, si l’on s’en tient aux définitions du Dictionnaire médical, la psychologie pour une population donnée "cherche à déterminer en quoi les facteurs environnementaux peuvent amener à des comportements inappropriés par rapport à une norme" et elle correspond à l’échelon individuel à un "ensemble de techniques mises à la disposition du 'psychologue clinicien' et visant à prendre en compte les symptômes psychiques du sujet pour obtenir une atténuation ou une disparition desdits symptômes".

La psychologie positive s’inscrit en rupture avec cette vision traditionnelle. Il s’agit, en effet, d’une discipline scientifique qui a été créée aux Etats-Unis dans les années 1990 par le psychologue Martin E. P. Seligman, le créateur du Positive Psychology Center, sur la base du constat selon lequel "La psychologie a été bien plus efficace sur les aspects négatifs que positifs de l’être humain. Elle nous a révélé ses vulnérabilités, ses faiblesses, ses pathologies, mais peu de son potentiel, de ses ressources. Elle s’est donc restreinte à seulement la moitié de ses juridiction" (Cité dans Marine Paucsik, Jean-Baptiste Baudier et Rebecca Shankland, S’initier à la psychologie positive. Pour prendre soin de soi, des autres et de l’environnement, Editions Eyrolles, 2021). La psychologie positive se définit ainsi comme l’"étude scientifique des forces et des qualités qui permettent aux individus et aux communautés de s’épanouir".


De même, le journalisme traditionnel tend, la plupart du temps, à se concentrer sur les informations "négatives" en fonction des très célèbres adages en anglais "Good news is no news" (Les bonnes nouvelles ne sont pas des nouvelles, Marshall MacLuhan) et "If it bleeds, it leads" (si ça saigne, c’est en "Une"). Cela correspond à ce que le journaliste Yves Agnès a qualifié de « chronique du négatif » dans son Manuel de journalisme.


Le journalisme de solutions (on parle en anglais d’Impact Journalism ou de Solutions-oriented Journalism), lui, se définit non pas comme un journalisme de bonnes nouvelles, mais comme un journalisme qui "s’emploie à analyser et à diffuser la connaissance d’initiatives qui apportent des réponses concrètes, reproductibles, à des problèmes de société, économiques, sociaux, écologiques" (Reporters d’espoirs). C’est donc un journalisme qui "analyse une situation problématique, tout en exposant des éléments de réponses concrets et concluants", en traitant "à la fois les succès et les limites des initiatives abordées". Le journalisme de solutions est par conséquent avant tout une méthode qui consiste (1) à expliquer le problème et ses causes, (2) à présenter une initiative sous la forme d’une "réponse au problème", ainsi que (3) "le processus de résolution du problème" ou "comment on a fait", (4) présenter l’impact de cette initiative, mais aussi (5) ses limites. En l’occurrence, une "solution" est une "initiative concrète qui apporte une réponse à un problème de société, économique et/ou social et/ou environnemental, qui peut être locale […] tout en ayant un potentiel de développement, d’essaimage, de reproductibilité en d’autres lieux, à d’autres échelles, dont l’impact est mesurable, qualitativement et quantitativement […], qui s’inscrit dans le temps […], qui peut inspirer les gens, leur donne envie d’agir".

Les « nouveaux optimistes » font référence à un courant de pensée incarné par différents auteurs, tels que Steven Pinker, Matt Ridley, Johan Norberg, Max Roser, Hans Rosling ou Jacques Lecomte. Ils tendent à s’insurger contre le pessimisme ambiant, la "vision dramatique du monde" (Hans Rosling) ou la "progressophobie" (Steven Pinker) en mettant l’accent dans leurs travaux sur les progrès humains, et donc sur "le triomphe des Lumières" (Steven Pinker) ou le "triomphe de l’humanité" (Johan Norberg), sur le fait que "non, ce n’était pas mieux avant", pour reprendre la traduction française du titre d’un ouvrage de Johan Norberg, et que "le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez !" (Jacques Lecomte).


On peut mentionner également dans ce même état d’esprit un courant moins connu qui est celui de la psychologie positive des médias (Positive Media Psychology), une branche de la psychologie des médias qui s’inspire de la psychologie positive. Alors que la psychologie des médias s’intéresse d’abord à l’impact potentiellement négatif que les médias peuvent avoir sur les individus et sur la société, la psychologie positive des médias met l’accent, de son côté, sur la façon dont ces derniers peuvent aussi avoir un impact positif. La psychologie des médias positive est, en effet, "le domaine d’étude consacré à l'examen des processus et des relations associés à l’utilisation des médias conduisant à des pensées, des sentiments et des comportements qui contribuent au bien-être et à l’épanouissement de l’individu" (Arthur A. Raney, Sophie H. Janicke-Bowles, Mary Beth Olivier et Katherine R. Dale, Introduction to Positive Media Psychology, Routledge, 2020).



Lorsque l’on parle de transition positive, il ne s’agit pas, en l’occurrence, de se contenter de chausser des lunettes roses pour voir le verre à moitié plein ou de s’appuyer sur une pensée positive, qui peut être, au mieux, une forme de méthode Coué d’auto-persuasion et, au pire, relever d’une véritable pensée magique (ex. la loi d’attraction). C’est donc beaucoup plus compliqué que le simple fait de "positiver" car, de façon individuelle ou collective, notre réflexe est le plus souvent de donner la primauté au négatif. Cela signifie qu’une telle transition positive exige beaucoup d’efforts. C’est un processus qui doit passer par plusieurs étapes. On peut en identifier dix.



(1) La prise de conscience de notre inclination vers le négatif


La première étape est celle de la prise de conscience (voir à ce propos l’interview de Delphine Luginbuhl et d’Aurélie Pennel). C’est prendre conscience à un échelon individuel ou collectif que notre regard tend à se porter spontanément vers ce qui ne va pas, vers ce qui se dégrade, vers les problèmes, les critiques, les manques, les risques, les menaces, les vulnérabilités. Hans Rosling parle à ce propos d’"instinct dramatique" (Factfulness, Flammarion, 2019).


Ce n’est pas un problème en soi. C’est même normal d’essayer de voir ce qui ne va pas pour pouvoir améliorer les choses. En revanche, cela devient problématique lorsque cela devient systématique. Cette inclination vers le négatif se transforme alors en une véritable vision du monde, en un négativisme.


La transition positive consiste par conséquent à changer notre regard et à modifier nos réflexes habituels. Pour cela, il faut souvent un "déclic" ou un "choc" qui nous amène à nous dire que cela ne peut plus durer ainsi. C’est ce qu’ont ressenti de nombreuses personnes durant la crise de la Covid-19 alors que nous étions littéralement bombardés d’informations anxiogènes de façon quotidienne.



(2) La prise de conscience de l’impact d’une trop grande exposition à une info anxiogène


Il convient de prendre aussi conscience du danger pour notre santé mentale, voire pour notre santé physique, d’une trop forte et systématique exposition à des informations anxiogènes en provenance des médias traditionnels, des réseaux sociaux numériques ou même de son environnement personnel.


A l’instar d’une trop forte exposition au soleil, il y a un véritable danger à être trop exposé à ces informations anxiogènes, notamment durant des évènements particulièrement dramatiques où l’on a peur pour soi et pour les siens, comme le rappelait l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au début de la crise pandémique : "Limitez le visionnage, la lecture ou l’écoute d’informations à propos du COVID-19 qui suscitent de l’anxiété ou de l’angoisse ; consultez uniquement des sources d'information fiables et principalement afin de pouvoir prendre des mesures pratiques pour vous préparer et vous protéger, ainsi que vos proches. Recherchez des informations actualisées à des moments précis de la journée, une ou deux fois par jour. Un flux brusque et ininterrompu d'informations sur une épidémie peut faire naître de l’anxiété ou de l’angoisse. Recherchez les faits ; pas des rumeurs et des fausses informations. Informez-vous à intervalles réguliers, sur le site Web de l’OMS et les plateformes d’information des autorités de santé de votre pays pour vous aider à distinguer les faits des rumeurs. La connaissance des faits peut aider à réduire les peurs".



(3) Faire évoluer son rapport à l’information


Il apparaît nécessaire en conséquence de faire évoluer son rapport à l’information. Une partie de la population semble avoir privilégié une stratégie d’évitement ces dernières années, ainsi que l’indiquent les résultats de l’enquête publiée par le Reuters Institute dans le Digital News Report 2022. 38% de la population mondiale éviterait ainsi sciemment de prendre connaissance de l’actualité. Elle n’était que 29% dans ce cas en 2017. Or, le caractère anxiogène des informations ("effet négatif sur notre humeur") est l’une des principales raisons invoquées pour justifier cet évitement des informations. C’est tout particulièrement le cas au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Pour Benoit Raphael, journaliste et cocréateur de l'application de veille médiatique Flint, "La surconsommation d'infos nous fatigue mentalement car elle fait beaucoup trop fonctionner notre cerveau. L'évitement de l'actualité est une conséquence de cette obésité puisque l'information n'est plus considérée comme nourrissante pour le cerveau et génère des phénomènes de biais cognitifs importants...".


Cependant, cet évitement ne semble pas être la bonne solution. Comme l’indique un article de Slate, en effet, "en période de crise et de danger, la posture réflexe est le repli sur soi. Pourtant, s’il est tentant de faire l’autruche et de couper tous les canaux d’information pour protéger sa santé mentale, cela peut entraîner l’inverse de l’effet escompté".


La consommation de l’information avec modération, les pauses et la "diète médiatique" de temps en temps paraissent être plus appropriées. Anne-Sophie Novel parle à ce propos de "detox informationnelle" et de "jeûne médiatique" dans son livre Les Médias, le monde et nous.


L’autre clef est sans aucun doute de rééquilibrer autant que faire se peut informations négatives et informations positives. Comme l’indique cet article de Positive News, on doit "en même temps que comprendre les problèmes qui existent et les tragédies qui sont en train de se dérouler, découvrir ce qui va bien aussi dans le monde". L’OMS ne disait pas autre chose au début de la période de confinement : "Identifiez les occasions de partager et de valoriser les récits positifs et porteurs d’espoir et les images positives de personnes qui ont été touchées par le COVID-19 autour de vous. Par exemple, les histoires de personnes qui sont guéries ou qui ont soutenu un proche et souhaitent partager leur expérience".



(4) Identifier les sources d’informations positives


Dans un tel contexte, il est absolument indispensable d’identifier quelles sont les sources d’informations positives. Celles-ci peuvent provenir de médias traditionnels, de médias spécialisés notamment dans le journalisme de solutions, mais aussi d’autres sources, comme ces individus qui ont décidé durant la pandémie de diffuser régulièrement des informations positives sur les réseaux sociaux numériques. L’Observatoire du Positif a recensé environ 150 sources à ce jour, que ce soit en français ou en anglais. Or, cette liste est loin d’être exhaustive.


Cela doit nous inciter à revenir sur deux idées reçues : (1) les médias diffusent des informations négatives car ils ne font que rapporter des faits qui sont, la plupart du temps, négatifs (conflits, tensions, violences, accidents, catastrophes, faits divers, délinquance, scandales, etc.) et, au bout du compte, il existe peu de faits positifs ; (2) de toute façon, le positif n’intéresse pas le public.


Or, les nombreuses sources d’information positives tendent à montrer que l’information positive est abondante si l’on fait un peu l’effort de la chercher ou même d’y prêter attention. En outre, les expériences de journalisme de solutions, qui n’est pas à proprement parler un journalisme du positif, montrent que cette approche intéresse le public et même que c’est un moyen de reconnecter celui-ci aux médias et de retisser des liens de confiance entre lui et les journalistes.



(5) Identifier ce qui nous empêche d’être positifs


Cette transition positive ne se limite pas loin de là à notre rapport à l’information. Elle implique aussi au préalable de bien identifier ce qui nous empêche individuellement et collectivement d’être positifs car cela vient en grande partie de nous, de notre cerveau, de la façon dont l’être humain a évolué, etc.


Pour des raisons maintenant bien connues de survie biologique de l’espèce humaine, notre cerveau a, en effet, un "biais négatif" qui nous rend bien plus sensibles aux mauvaises nouvelles qu’aux bonnes. Cela nous a permis de survivre en tant qu’espèce, mais cela tend à nous conduire à rester quelque peu bloqués dans une sorte de "trappe à négativité". Dans les cas les plus graves, on parle même d’"esprit collant" (Sticky mind), défini par Marty Seif et Salyy Winston comme "un trait biologique qui est vécu comme une pensée répétitive en boucle, un sentiment de s'embourber dans l'inquiétude, un talent pour projeter des pensées catastrophiques, et une tendance à n’entendre que les circonvolutions négatives de l'esprit, et à ne pas pouvoir les laisser couler".


Plus largement, deux études majeures ont été publiées en 2001 : Roy F. Baumeister, Ellen Bratslavsky, Catrin Finkenauer et Kathleen D. Vohs, "Bad is Stronger than Good", Review of General Psychology, 2001, Vol. 5, N° 4, 323-370 ; Paul Rozin et Edward Royzman, "Negativity bias, negativity dominance, and contagion", Personality and Social Psychology Review, vol. 5, 2001, pp. 296-320. Elles ont montré que le négatif était systématiquement plus fort que le positif dans la plupart des domaines. Paul Rozin et Edward Royzman se sont ainsi appuyés sur des sources littéraires, historiques, religieuses et culturelles et sur la littérature psychologique.


On peut remarquer également que la plupart des hommes politiques, des syndicats, des associations, des chercheurs, des universitaires ou des experts qui s’expriment dans l’espace public s’intéressent avant tout à ce qui ne va pas dans la société française ou dans le monde ou aux risques et aux menaces. Cela crée le sentiment selon lequel le négatif est bel et bien la "norme".



(6) Identifier les bienfaits du positif


Il apparaît également primordial de bien avoir en tête les très nombreux bienfaits du positif et d’une attitude optimiste. Les études scientifiques abondent sur le sujet.


Ainsi, une étude parue en 2022 dans le Journal of American Geriatrics Society confirme, après bien d’autres, à quel point l’optimisme a un impact positif sur la santé mentale et physique. Cette étude basée sur un échantillon de près de 160 000 femmes d’origines et de milieux sociaux différents montre que celles qui ont un degré élevé d’optimisme ont une espérance de vie plus longue et de plus grandes chances de vivre plus de 90 ans. En 2021, une étude publiée dans The Journals of Gerontology donnait des résultats assez similaires. Cette expérience menée par des chercheurs de l’université hébraïque de Jérusalem a consisté à suivre quelque 1 200 personnes âgées (nées en 1920 et 1921) pendant plus de 30 ans. Les conclusions des chercheurs sont que l’optimisme contribue à rallonger l’espérance de vie et a "un impact sur la survie" ainsi que l’affirme Yoram Maaravi, l’un des auteurs de l’étude.



(7) Identifier les sources d’inspiration positives


Il est crucial aussi d’identifier des sources d’inspiration positives. Ce ne sont pas uniquement des écrivains, des philosophes, des penseurs, des sages, ou des hommes ou des femmes de religion. Ce sont tout autant des hommes et des femmes contemporains, connus ou inconnus, qui, par leur exemple, leur détermination à relever la tête, leur courage face à l’adversité, leur inventivité, leur créativité, la force de leurs convictions peuvent être des personnalités inspirantes.


On peut identifier notamment trois types de profils en la matière :

- (1) Les résilients, qui sont des individus victimes d’accidents de la vie ou de circonstances particulièrement dramatiques et qui, malgré ces grandes difficultés, ont réussi à s’en sortir en conservant un esprit positif ;

- (2) Les visionnaires ou les explorateurs, qui ont créé, inventé, été des pionniers ou des innovateurs dans leur domaine et qui ont amené les autres – les "suiveurs" – à changer de regard ou d’attitude, et à bénéficier de ce qu’ils ont inventé ou créé ;

- (3) Les messagers, qui sont des individus portés par la volonté de diffuser un message à la fois fort et positif au monde.


Nelson Mandela ou Philippe Croizon peuvent être classés dans la première catégorie, Steve Jobs ou Ugur Sahin (le scientifique à l’origine du premier vaccin contre la Covid-19) dans la deuxième, Malala Yousafzai ou Nadia Murad dans la troisième.



(8) Identifier aussi ce qui va bien en France et dans le monde


Tout ceci doit nous conduire à chercher à identifier ce qui va bien en France et dans le monde, ce qui évolue dans le bon sens, y compris sur une question aussi sensible et anxiogène que le climat.


En l’occurrence, il ne s’agit pas d’ignorer l’existence de difficultés, qui sont grandes à coup sûr, ou de faire du "cherry picking" en ne cherchant à voir que ce qui est positif, mais de partir de la réalité telle qu’elle est et de la voir sans trop de déformations en ayant un état d’esprit qui conduise tout de même à se dire qu’il y a des solutions et, par conséquent, des sources d’espoir.



(9) Eviter les travers d’un positivisme hors-sol


Cette transition positive ne doit pas pour autant mener à un optimisme béat et à un "positivisme" qui serait largement "hors-sol", et donc tomber dans le travers de la naïveté ou bien de l’égocentrisme. Encore une fois, on ne doit pas se voiler la face. La réalité est d’abord faite de tragédies et de grandes souffrances. Il serait naïf ou égocentrique de l’ignorer. Un tel positionnement correspond d’ailleurs assez largement au biais optimiste qui conduit de nombreuses personnes à penser qu’à la différence des autres, elles, elles passeront à travers les gouttes.


Il apparaît donc nécessaire d’être pleinement ancré dans la réalité, tout en ayant un état d’esprit positif et "solutionniste". Jacques Lecomte parle à ce propos d’"optiréalisme". Pour lui, en effet, "le vrai optimisme a besoin de réalisme pour ne pas tomber dans l’illusion" et "la forme la plus appropriée de réalisme consiste à être un optimiste actif" (Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez !, Les Arènes, 2021). Hans Rosling, de son côté, se définit comme un "possibiliste" : "Je ne suis pas un optimiste, ni un pessimiste. Je suis un possibiliste. C’est une nouvelle catégorie où nous mettons les émotions à distance et nous travaillons juste de façon analytique avec le monde" en s’appuyant sur les faits. Celui-ci parle d’ailleurs de "factualité" dans son ouvrage Factfulness (Flammarion, 2019), celle-ci étant une "saine habitude de fonder son opinion sur les faits". Pour lui, "la factualité, comme un régime de santé ou de l’exercice physique régulier, peut et devrait devenir partie intégrante de notre vie quotidienne. Commencez à la pratiquer, et vous serez en mesure de changer votre vision dramatique en une vision factuelle du monde".



(10) Eviter les pièges d’une positivité toxique ou vide de sens


Enfin, cette transition positive ne doit pas aboutir à une positivité qui peut s’avérer "toxique" en incitant les individus à se montrer tout le temps positifs et, par conséquent, à minorer, voire à ignorer leurs émotions négatives.


A un échelon plus collectif, l’omniprésence des discours positifs ou de bienveillance souvent déconnectés de la réalité peut conduire à décrédibiliser tout ce qui a trait au positif. Le positivisme peut même s’avérer suspicieux à partir du moment où celui-ci est souvent véhiculé par des institutions et des organisations qui suscitent souvent de la méfiance, voire de la défiance aux yeux d’une partie de la population : gouvernements, institutions européennes ou internationales, grands groupes multinationaux. Celui-ci peut donc, d’une certaine manière, être assimilé à une forme de justification du "Système". On le voit aussi à travers la critique semble-t-il croissante dans certains milieux de ce qui est appelé l’"optimisme technologique" ou le "techno-solutionnisme".



Au final, la transition positive consiste

- (1) à prendre conscience de nos réflexes individuels et collectifs qui nous conduisent très souvent à privilégier tout ce qui est négatif et des dangers à être trop exposés à des informations anxiogènes ;

- (2) à identifier les bienfaits du positif, les sources d’informations positives, les sources d’inspiration positives, ainsi que les évolutions positives,

- (3) sans tomber pour autant dans les travers d’un positivisme hors-sol ou d’une positivité toxique ou « creuse ».


La tâche paraît à première vue immense et le chemin long et ardu, mais cela en vaut la peine car cette transition positive apparaît importante pour sa santé (mentale, émotionnelle, physique) et son équilibre personnels, mais aussi pour la "santé" de la démocratie à partir du moment où les courants de pensée radicaux et les mouvements politiques extrêmes tendent à instrumentaliser un "bouillon de culture" négatif faits de ressentiments, de peurs, de colères, d’indignations, du sentiment que le pays est en déclin ou au bord de la guerre civile, etc.


62 vues0 commentaire

Comments


bottom of page